lundi 24 mars 2014

A la mémoire d'Adolfo Suárez


Le 23 mars 2014 est mort Adolfo Suárez, premier président démocratique de l'Espagne après le franquisme, à l'âge de 81 ans.

Adolfo Suárez a été l'un des acteurs principaux de la transition du franquisme à la démocratie en Espagne.

Quand le roi Juan Carlos le nomme président du gouvernement en 1976, il est jeune, inexpérimenté, presque un inconnu. C'est un arriviste qui a su profiter des structures du franquisme pour tranquillement monter les échelles. Tout le monde est déçu du choix: ceux de gauche parce qu'ils avaient espéré quelqu'un qui ne faisait pas partie du Mouvement franquiste, l'armée et ceux de droite parce qu'ils avaient espéré un franquiste pur et dur. Tous sont d'accord: la nomination de Suárez est une grave erreur.

Et malgré l'opposition de tous les côtés, il s'impose avec une vitesse fulminante. En moins d'un an, il arrive à persuader le parlement franquiste de voter sa propre dissolution, à légaliser les partis politiques et à organiser les premières élections libres en Espagne depuis 1936. Le dimanche de Pâques 1977 il va même jusqu'à légaliser le Parti Communiste, bête noire du franquisme et de l'armée. Il avait choisi ce jour-là car le risque d'une insurrection de l'armée y était le plus petit. En 1978, la nouvelle constitution est votée par référendum.

En 1979, il gagne les premières élections sous la nouvelle constitution. Mais il commence à perdre son élan. Suárez, qui avait brillé pendant la transition, qui savait toujours prendre les bonnes décisions et négocier des accords entre tous les partis, a du mal à se retrouver dans la démocratie. Son parti, l'Union du Centre Démocratique, est divisé. Il doit faire face à l'opposition du jeune et charismatique Felipe González, leader du Parti Socialiste. Le roi commence peu à peu à lui retirer sa confiance, et le terrorisme de l'ETA ne le lui laisse pas de répit.

En février 1981, il démissionne de son poste. Le 23 février, pendant le vote d'investiture de son successeur Leopoldo Calvo Sotelo, des agents de la Guardia Civil interrompent la session, tirent en l'air et ordonnent aux députés de se mettre au sol. C'est le coup d'Etat du 23-F. Seuls trois hommes font face aux putschistes: le leader communiste Santiago Carrillo, le vice-président du gouvernement Manuel Gutiérrez Mellado, et Adolfo Suárez. L'écrivain Javier Cercas a écrit un livre extraordinaire sur cet évènement: Anatomie d'un Instant.

Suárez (à gauche) et Gutiérrez Mellado, le 23 février.

Après sa démission, il continue encore dix ans en tant que député de son parti, entretemps renommé Centre Démocratique et Social. En 1991, il renonce à la vie politique. Comparé à d'autres hommes politiques en retraite, on entend très peu de Suárez. Il ne reçoit pas de grands prix, ne fait pas de discours, n'écrit pas ses mémoires. En 2005, son fils annonce qu'il souffre de la maladie d'Alzheimer. Il ne sait plus qu'il a été président et ne reconnait plus personne. En 2008, le roi Juan Carlos rend visite à son ancien ami pour lui remettre l'ordre de la toison d'or.

Juan Carlos et Adolfo Suárez, en 2008.

La fotografía captura un momento de una visita del Rey a Suárez para entregarle el collar de la Orden del Toisón de Oro, la máxima distinción que concede la Casa Real española; según las crónicas, el Rey también se lo ha concedido a otras figuras trascendentales en el pasado reciente de España -entre ellas el Gran Duque Juan I de Luxemburgo, Beatriz I de los Países Bajos o Margarita II de Dinamarca-, aunque al chisgarabís que le ayudó como nadie a conservar la Corona sólo se la concedió hace poco más de un año, y hasta ese día no ha tenido tiempo de entregársela. La gratitud de la patria.
- Javier Cercas, Anatomía de un Instante.


Photos: El País.